Diffusion Sélective de l'Information Du 15 au 19 mars 2021
Veille Stratégique Environnementale Synthèse des vulnérabilités et des mesures prioritaires pour l’adaptation aux changements climatiques en Tunisie
«...1. Les ressources en eau : Les changements climatiques pourraient se traduire en Tunisie par quatre impacts majeurs : - l’augmentation de l’érosion hydrique, - l’augmentation des besoins en eau, - la dégradation de la qualité des eaux, - la surexploitation des nappes souterraines. La capacité d’adaptation du secteur de l’eau face à ces impacts est jugée modérée, ce qui contribue à une vulnérabilité au changement climatique assez élevée. L’augmentation des besoins en eau est beaucoup plus ressentie au centre de la Tunisie, au niveau des régions de Kasserine, Sidi Bouzid, Kairouan où les taux de pauvreté et de chômage sont les plus importants du pays et où les revenus sont fortement tributaires de l’agriculture. Compte tenu du fait que la Tunisie se trouve déjà en situation de pénurie d’eau et que le taux de mobilisation des ressources en eau conventionnelles est de 92 %, différentes mesures d’adaptation ont déjà été initiées :
Développement et mobilisation des eaux non conventionnelles Plusieurs unités de dessalement de l’eau de mer sont actuellement actives, ou en cours de construction, dont notamment : la station de dessalement d’eau de mer de Djerba de capacité 50 000 m3/jour et les stations de dessalement de Sfax (100 000 m3/jour extensible à 200 000 m3/jour), de Zarrat (50 000 m3/jour), et celle de Sousse (50 000 m3/jour). Ces investissements devront permettre de sécuriser l’alimentation en eau potable jusqu’à l’horizon 2030. La valorisation du potentiel des eaux usées traitées, évalué à environ 300 Mm3, est également un axe en cours de développement en Tunisie. Pour ce faire, un programme a été initié par l’ONAS pour l’amélioration de la qualité de traitement des eaux usées par la réhabilitation des stations d’épuration et l’intégration d’un traitement tertiaire.
Transfert d’eau et recharge artificielle La possibilité de transférer une partie des eaux excédentaires, évaluées à 400 Mm3/an, de l’extrême nord vers le centre du pays au niveau de la région de Kairouan, est actuellement à l’étude. Cette mesure prévoit le renforcement des infrastructures par la connexion des barrages, le dédoublement des conduites de transfert, et la création de nouveaux ouvrages de stockage pour un montant d’investissement d’environ 1 400 MDT. Un programme national de recharge artificielle des nappes est également initié en considérant les eaux de surface ou les eaux usées traitées. Le volume d’eau injecté dans les nappes est cependant tributaire de la disponibilité des eaux de surface, et a évolué de 66,2 Mm3 en 1996 à 30,52 Mm3 en 2015.
Gestion de l’eau agricole La conservation des eaux et du sol a fait l’objet d’une nouvelle stratégie intégrant l’impact du changement climatique. Des mesures d’adaptation sont également initiées dans le secteur agricole pour réduire la demande en eau, comme le recours à l’agriculture de conservation. Une stratégie nationale d’économie d’eau dans le secteur agricole depuis 1995 a permis d’équiper plus de 80 % des périmètres irrigués de techniques d’économie d’eau, ce qui a permis de réduire la demande en eau sur une partie des périmètres. Néanmoins l’efficacité de cette stratégie est limitée par la vétusté des installations (65 % des périmètres ont plus de 25 ans).
Cadre institutionnel, gouvernance et connaissances Le Code de l’eau est en cours de révision et la possibilité de créer une instance de régulation est en cours d’étude. Aussi, la loi de création des GDA est en cours de révision afin de tenir compte de nouveaux enjeux de gestion. Enfin, une étude « eau 2050 » est initiée par le MARHP pour identifier les nouvelles orientations du secteur de l’eau à l’horizon 2050 tenant compte des enjeux liés au changement climatique, des besoins de la décentralisation, du droit à l’eau tel que défini par la constitution tunisienne et des objectifs de développement durable.
2. Agriculture et écosystèmes Les principaux impacts du changement climatique sur l’agriculture et les écosystèmes identifiés en Tunisie sont : - Surexploitation des nappes et impacts sur l’agriculture irriguée ; - Baisse des rendements et réduction de la superficie des cultures arboricoles, dont oléicoles ; - Baisse des rendements et réduction de la superficie des cultures céréalières (pluviales et irriguées) ; - Augmentation du risque d’incendie, dégradation et perte des écosystèmes forestiers ; - Dégradation des écosystèmes alfatiers ; - Dégradation des écosystèmes alfatiers ; - Réduction des parcours, des fourrages et impacts sur le pastoralisme ; - Perte de la fertilité des sols et de la superficie des terres cultivables ; - Diminution des revenus issus de l’agriculture et impacts sur l’économie nationale ; - Augmentation de la fragilité sociale des exploitants agricoles et exode rural ; - Dégradation des zones humides ; - Dégradation des écosystèmes oasiens ; - Dégradation et réduction des habitats et de la biodiversité marine (impact décrit dans la partie littoral).
Les principales initiatives d’adaptation du secteur agricole comprennent notamment ce qui suit : Renforcement des capacités d’observation et des connaissances scientifiques Le suivi météorologique et climatique a été très largement développé dans le but de pouvoir anticiper les évènements extrêmes pouvant causer des dommages sévères et des pertes conséquentes sur les récoltes agricoles
Adaptation des systèmes agricoles face à la raréfaction des ressources en eau La Tunisie a entamé depuis 1995 le Programme National de l’Economie d’Eau. En 2015, notamment en réponse aux changements climatiques déjà observés, l’irrigation localisée (goutte à goutte) est appliquée à environ 46 % de la surface totale des périmètres irrigués, contre 30 % pour l’irrigation par aspersion et 24 % pour l’irrigation gravitaire améliorée. Comme expliqué dans la section sur les ressources en eau, les principales initiatives d’adaptation concernent le développement et la mobilisation des eaux non conventionnelles, comme le dessalement de l’eau de mer et la valorisation des eaux usées traitées. Enfin d’autres mesures d’adaptation sont initiées dans le secteur agricole pour réduire la demande en eau, comme le recours à l’agriculture de conservation, à l’échelle locale et régionale. En termes d’agriculture traditionnelle, une des initiatives d’adaptation est l’éducation des agriculteurs à la réutilisation des savoir-faire ancestraux. Chaque gouvernorat en fonction des types d’agriculture développés au sein de son espace géographique, a aussi prévu de mettre en place des mesures d’adaptation en renforçant les débats participatifs entre gestionnaires et agriculteurs et/ou habitants des communes rurales par exemple. Le renforcement des capacités des services dédiés en termes de formations est également une priorité.
Elaboration et mise en œuvre de plans et stratégies d’adaptation au changement climatique à l’échelle nationale La Stratégie Nationale de Gestion Durable des Forêts et Parcours en Tunisie (2015-2024) dans un contexte de changements globaux (MARHP) vise à lutter contre les impacts du changement climatique sur les écosystèmes agricoles. D’autre part, les oasis, écosystèmes fragiles, font l’objet de plusieurs stratégies en Tunisie. Dès 2012, le Ministère de l’Environnement publie un rapport « Les oasis de Tunisie : à protéger contre la dégradation et les effets du changement climatique ». Successivement en 2014 et 2015 sont élaborés un projet de Gestion Durable des Ecosystèmes Oasiens Tunisiens et une Stratégie de Développement Durable des Oasis en Tunisie. Un projet de recherche porté par l’IRD vise à évaluer le fonctionnement et la vulnérabilité des écosystèmes méditerranéens côtiers anthropisés (2016–2018). Finalement, en 2015, le Ministère de l’Environnement formule des orientations stratégiques et élabore un plan d’actions relatif à l’adaptation de la biodiversité, dans son ensemble, aux changements climatiques. Par ailleurs, il semble que l’importance des fonctions environnementales des écosystèmes tunisiens est de plus en plus considérée comme facteur d’adaptation au changement climatique. Néanmoins la mise en œuvre des actions et recommandations de l’ensemble de ces études et stratégies reste à renforcer.
3. Le littoral Pour la Tunisie, toutes les études réalisées sur l’Elévation Accélérée du Niveau de la Mer (ENM) en relation avec le changement climatique se sont basées sur le scénario le plus pessimiste du rapport GIEC de 2007. Appuyées et complétées par quelques travaux de recherche récents, ces études estiment une élévation du niveau moyen de +1 m à la fin de ce siècle. Les Principaux éléments de vulnérabilité du littoral aux changements climatiques incluent notamment ce qui suit : - Recul du trait de côte ; - Submersion des espaces littoraux bâtis, de faible altitude ; - Submersion des zones agricoles côtières basses (impact décrit dans la partie agriculture) ; - Perte des plages sableuses et des zones balnéaires ; - Salinisation des nappes phréatiques côtières (impact décrit dans la partie ressources en eau) ; - Destruction des cordons barrières et annexion à la mer des zones humides littorales ; - Dégradation et réduction des habitats et de la biodiversité.
Principales initiatives d’adaptation Les initiatives d’adaptation recensées peuvent être divisées en deux grandes catégories de mesures d’adaptation : Des mesures d’ingénierie : ouvrages, infrastructures ou aménagements côtiers permettant de consolider le trait de côte ; Des mesures et instruments mis en place pour renforcer la connaissance, le cadre réglementaire institutionnel, et la gouvernance, permettant de renforcer les capacités en matière d’adaptation aux CC.
Mesures d'ingénierie Des travaux de protection côtière par des techniques dites dures : Ces mesures concernent la construction ou la mise en place d'ouvrages d’ingénierie en dur dont l'objectif est de maintenir le trait de côte ou de modifier l'évolution de sa configuration géométrique. Ces types des travaux ont commencé au début des années 1980, par la mise en place d’ouvrages en enrochements pour des cavaliers, des épis et des brises lames. Un total de 30 km de côtes a été protégé par des ouvrages. Ces derniers ont permis de consolider le trait de côte là où ils sont implantés, mais de nouveaux problèmes sont apparus tels que défiguration du paysage, l’accumulation des algues, l’eutrophisation des eaux dans les criques fermées, des déséquilibres sédimentaires, une érosion agressive dans des zones limitrophes, etc. Des travaux de protection côtière par des techniques dites souples : Sur la base des constats effectués sur les résultats des ouvrages en dur réalisés sur les côtes tunisiennes, l’APAL a commencé, à partir de la fin des années 1990, à rechercher de nouvelles méthodes souples pour la protection des côtes. Ces ouvrages sont conçus pour intégrer la dynamique naturelle du littoral et la mobilité du trait de côte. Ils incluent notamment les techniques de stabilisation du haut de plage par ganivelles et des actions timides de recharge artificielle des plages et de stabilisation par des géotubes de sable. Un total de 6 530 m de côtes a été protégé par des ganivelles réparties entre les sites de Tabarka, Korba, Beni Khiar, Mahdia, Chebba, Gabès et Djerba. Le Programme de Protection du Littoral Tunisien (PPLT) : Les travaux, en cours de réalisation, visent à protéger 27 km de côte contre l’érosion et la submersion marine répartis entre les sites suivants : Kerkennah : protection de 10,5 km de côte au niveau de 7 localités par des cavaliers et des digues ; Rafraf : protection de 2 km de côte par un épi et un rechargement artificiel ; Sousse Nord : protection de 4,5 km de côtes pour 4 localités par des brises lames immergées et des ganivelles; Soliman : protection de 6 km de côte par un épi et un rechargement artificiel ; Tabarka, Hammamet, Dimess, Mahdia, Zarzis: protection de 4 km de côtes par réhabilitation des dunes avec des «ganivelles».
Mesures réglementaires, institutionnelles et de renforcement des connaissances et des capacités Le cadre institutionnel et la gouvernance : - La mise en œuvre d’un programme de suivi appuyé par un Système d’Information Géographique pour la maintenance des ouvrages ; - La consolidation des stratégies d’approche participative de l’APAL : Mise en place de Comités Locaux des sites et production d’un guide méthodologique de communication ; - Le renforcement de l’organisation de l’APAL par la mise en place d’une Commission de Communication et Suivi pour la pérennisation des ouvrages ; - Ratification par la Tunisie du protocole GIZC ; - Élaboration d’un document de planification côtier spécifique pour les zones sensibles aux changements climatiques : le Schéma Directeur d’Aménagement des Zones Sensibles (SDAZS). Les mesures règlementaires : - Révision et ajustement des textes juridiques du CATU et Code des Eaux (CE) pour la prise en compte des changements climatiques ; - Intégration, au niveau des textes réglementaires des études d’impact environnemental, de la prise en compte des changements climatiques ; - Révision des textes réglementaires relatifs aux critères de la gestion et de l’alignement du DPM avec la prise en compte des changements climatiques ; - Loi de création d’Aires Marines et Côtières Protégées (AMCP) ; Le renforcement des connaissances et des capacités : - Le renforcement des capacités et des compétences de l’APAL par des formations spécifiques ; - L’acquisition d’outils et de moyens permettant à l’observatoire de l’APAL de mieux maitriser l’information marine et océanographique ; - L’acquisition d’instruments de mesures et d’observation des paramètres océanographiques du littoral Tunisien.
4. Le secteur de la Pêche et de l’aquaculture Les observations sur près d’un siècle semblent montrer une tendance à la hausse des températures marines dans le golfe de Gabès. En effet, la température de l’eau de mer se réchauffe avec un taux moyen de + 0,12 ° C/décennie au niveau du golfe de Gabès. En raison du nombre relativement faible de points de données disponibles, cette tendance serait seulement indicative de la tendance à long terme. Les impacts des changements climatiques devraient être ressentis avec plus d’acuité à partir de 2050, et plus encore durant la deuxième moitié de ce siècle. Pour les trois horizons 2030, 2050 et 2100, les tendances apparaissent comme suit, d’après les principaux travaux réalisés, pour le scénario du risque maximum : Sur la base des principaux travaux réalisés et sur les données disponibles, il apparait que le secteur pêche et aquaculture est vulnérable aux changements climatiques et dont les impacts se traduisent par : - La réduction de la production primaire et secondaire ; - La réduction des activités halieutiques face aux invasions biologiques ; - La réduction du rendement des pêcheries fixes type Chrafi ; - La réduction du rendement de la pêche à pied de la palourde ; - La réduction de la pêche lagunaire ; - La régression de l’activité aquacole.
Principales initiatives d’adaptation Les initiatives d’adaptation du secteur de la pêche aux changements climatiques restent, jusqu’à présent, très timides. On note toutefois des tentatives pour l’exploitation des espèces invasives comme le crabe bleu qui menace sérieusement l’activité de pêche côtière dans le golfe de Gabès. Une stratégie nationale pour la valorisation de cette espèce a été mise en place. Des essais ont été menés pour récolter cette espèce et la mettre dans le marché de consommation ou dans le circuit d’exports des produits de pêche. Les résultats correspondants restent très limités vue, d’une part, la taille de ce crabe qui est inférieure aux calibres exigés pour l’export et, d’autre part, à l’absence, au niveau des traditions tunisiennes, d’une culture de consommation de ce type de produits de la mer.
5. Le secteur Touristique Plusieurs impacts potentiels du changement climatique sur le secteur du tourisme en Tunisie peuvent être identifiés : - Evolution des conditions de confort et impacts sur les flux touristiques ; - Perturbation du tourisme littoral suite aux impacts de l’élévation du niveau de la mer ; - Augmentation du coût d’exploitation des hôtels (gestion des ressources en eau et de l’énergie) ; - Conflits d’usage sur les ressources naturelles et tensions accrues sur l’approvisionnement alimentaire ; - Diminution de la biodiversité et dégradation des écosystèmes et des paysages marins et terrestres ; - Dégradation de la qualité de l’eau de mer et de l’eau douce (lacs collinaires, cours d’eau et nappes phréatiques) ; - Augmentation des risques sanitaires et des risques liés aux événements extrêmes.
6. La santé Les impacts du changement climatique sur la santé humaine sont de deux ordres : directs ou indirects. Certains impacts présentés ci-dessous relèvent plutôt de facteurs aggravants ayant des conséquences sur la santé, tandis que d’autres dérivent directement du changement climatique. Ils ont été identifiés et jugés comme étant prioritaires dans un contexte de changement climatique. - Propagation des maladies à transmission vectorielle ; - Augmentation des maladies infectieuses d’origine hydrique et alimentaire ; - Risque accru de crises d’asthmes, accentuation des maladies cardiovasculaires et respiratoires ; - Risque d’accroissement de la mortalité, des blessures et des traumatismes liés aux catastrophes naturelles ; - Accroissement du nombre de maladies cutanées comme les brulures, les allergies, les dermatoses ou encore les mélanomes ; - Risque de malnutrition, de déséquilibre des régimes alimentaires et remise en cause de la sécurité alimentaire ; - Migration intérieure et internationale ; - Apparition de violences et exploitation de groupes vulnérables ...»- Cliquez ici
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